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droit d'entrée pour toutes les prisons, que j'ai donné à Ordener. Il en use.
Et depuis quand, noble général, le baron Ordener a-t-il fait cette utile connaissance?
Depuis un peu plus d'un an, dame comtesse; il paraît que la société de Schumacker lui plut, car elle le fixa
assez longtemps à Drontheim; et ce n'est qu'à regret et sur mon invitation expresse qu'il en partit l'année
dernière pour visiter la Norvège.
Et Schumacker sait-il que son consolateur est le fils d'un de ses plus grands ennemis?
Il sait que c'est un ami, et cela lui suffit, comme à nous.
Mais vous, seigneur général, dit la comtesse avec un coup d'oeil pénétrant, saviez-vous en tolérant, et
même en formant cette liaison, que Schumacker avait une fille?
Je le savais, noble comtesse.
Et cette circonstance vous a semblé indifférente pour votre élève?
L'élève de Levin de Knud, le fils de Frédéric Guldenlew est un homme loyal. Ordener connaît la barrière
qui le séparé de la fille de Schumacker; il est incapable de séduire, sans but légitime, une fille, et surtout la
fille d'un homme malheureux.
La noble comtesse d'Ahlefeld rougit et pâlit; elle tourna la tête, cherchant à éviter le regard calme du vieillard
comme celui d'un accusateur.
Enfin, balbutia-t-elle, cette liaison, général, me semble, souffrez que je le dise, singulière et imprudente.
On dit que les mineurs et les peuplades du Nord menacent de se révolter, et que le nom de Schumacker est
compromis dans cette affaire.
Noble dame, vous m'étonnez! s'écria le gouverneur. Schumacker a jusqu'ici supporté tranquillement son
malheur. Ce bruit est sans doute peu fondé.
La porte s'ouvrit en ce moment, et l'huissier annonça qu'un messager de sa grâce le grand-chancelier
demandait à parler à la noble comtesse.
VII 34
Han d'Islande
La comtesse se leva précipitamment, salua le gouverneur, et, tandis qu'il continuait l'examen des placets, se
rendit en toute hâte à ses appartements, situés dans une aile du palais, en ordonnant qu'on y envoyât le
messager.
Elle était depuis quelques moments assise sur un riche sopha, au milieu de ses femmes, quand le messager,
entra. La comtesse en l'apercevant fit un mouvement de répugnance qu'elle cacha soudain sous un sourire
bienveillant. L'extérieur du messager ne semblait pourtant pas repoussant au premier abord; c'était un homme
plutôt petit que grand, et dont l'embonpoint annonçait tout autre chose qu'un messager. Cependant, quand on
l'examinait, son visage paraissait ouvert jusqu'à l'impudence, et la gaieté de son regard avait quelque chose de
diabolique et de sinistre. Il s'inclina profondément devant la comtesse, et lui présenta un paquet, scellé avec
des fils de soie.
Noble dame, dit-il, daignez me permettre d'oser déposer à vos pieds un précieux message de sa grâce, votre
illustre époux, mon vénéré maître.
Est-ce qu'il ne vient pas lui-même? et comment vous prend-il pour messager? demanda la comtesse.
Des soins importants diffèrent l'arrivée de sa grâce, cette lettre est pour vous en informer, madame la
comtesse; pour moi, je dois, d'après l'ordre de mon noble maître, jouir de l'insigne honneur d'un entretien
particulier avec vous.
La comtesse pâlit; elle s'écria d'une voix tremblante:
Moi! un entretien avec vous, Musdoemon?
Si cela affligeait en rien la noble dame, son indigne serviteur serait au désespoir.
M'affliger! non sans doute, reprit la comtesse s'efforçant de sourire; mais cet entretien est-il si nécessaire?
Le messager s'inclina jusqu'à terre.
Absolument nécessaire! la lettre que l'illustre comtesse a daigné recevoir de mes mains doit en contenir
l'injonction formelle.
C'était une chose singulière que de voir la fière comtesse d'Ahlefeld trembler et pâlir devant un serviteur qui
lui rendait de si profonds respects. Elle ouvrit lentement le paquet et en lut le contenu. Après l'avoir relu:
Allons, dit-elle à ses femmes d'une voix faible, qu'on nous laisse seuls.
Daigne la noble dame, dit le messager fléchissant le genou, me pardonner la liberté que j'ose prendre et la
peine que je parais lui causer.
Croyez au contraire, repartit la comtesse avec un sourire forcé, que j'ai beaucoup de plaisir à vous voir.
Les femmes se retirèrent.
Elphège, tu as donc oublié qu'il fut un temps où nos tête-à-tête ne te répugnaient pas?
C'était le messager qui parlait à la noble comtesse, et ces paroles étaient accompagnées d'un rire pareil à celui
du diable lorsqu'au moment où le pacte expire il saisit l'âme qui s'est donnée à lui.
VII 35
Han d'Islande
La puissante dame baissa sa tête humiliée.
Que ne l'ai-je en effet oublié! murmura-t-elle.
Pauvre folle! comment peux-tu rougir de choses que nul oeil humain n'a vues?
Ce que les hommes ne voient pas, Dieu le voit.
Dieu, faible femme! tu n'es pas digne d'avoir trompé ton mari, car il est moins crédule que toi.
Vous insultez peu généreusement à mes remords, Musdoemon.
Eh bien! si tu en as, Elphège, pourquoi leur insultes-tu toi-même chaque jour par des crimes nouveaux?
La comtesse d'Ahlefeld cacha sa tête dans ses mains; le messager poursuivit:
Elphège, il faut choisir: ou le remords et plus de crimes, ou le crime et plus de remords. Fais comme moi,
choisis le second parti, c'est le meilleur, le plus gai du moins.
Puissiez-vous, dit la comtesse à voix basse, ne pas retrouver ces paroles dans l'éternité!
Allons, ma chère, quittons la plaisanterie. Alors Musdoemon s'asseyant près de la comtesse, et passant ses
bras autour de son cou:
Elphège, dit-il, tâche de rester, par l'esprit du moins, ce que tu étais il y a vingt ans.
L'infortunée comtesse, esclave de son complice, tâcha de répondre à sa repoussante caresse. Il y avait dans cet
embrassement adultère de deux êtres qui se méprisaient et s'exécraient mutuellement quelque chose de trop
révoltant, même pour ces âmes dégradées. Les caresses illégitimes qui avaient fait leur joie, et que je ne sais
quelle horrible convenance les forçait de se prodiguer encore, faisaient maintenant leur torture. Étrange et
juste changement des affections coupables! leur crime était devenu leur supplice.
La comtesse, pour abréger ce tourment adultère, demanda enfin à son odieux amant, en s'arrachant de ses bras,
de quel message verbal son époux l'avait chargé.
D'Ahlefeld, dit Musdoemon, au moment de voir son pouvoir s'affermir par le mariage d'Ordener Guldenlew
avec notre fille...
Notre fille! s'écria la hautaine comtesse, et son regard fixé sur Musdoemon reprit une expression d'orgueil
et de dédain.
Eh bien, dit froidement le messager, je crois qu'Ulrique peut m'appartenir au moins autant qu'à lui. Je disais
donc que ce mariage ne satisfaisait pas entièrement ton mari, si Schumacker n'était en même temps tout à fait
renversé. Du fond de sa prison, ce vieux favori est encore presque aussi redoutable que dans son palais. Il a à
la cour des amis obscurs, mais puissants, peut-être parce qu'ils sont obscurs; et le roi, apprenant il y a un mois
que les négociations du grand-chancelier avec le duc de Holstein-Ploen ne marchaient pas, s'est écrié avec
impatience: Griffenfeld à lui seul en savait plus qu'eux tous. Un intrigant nommé Dispolsen, venu de
Munckholm à Copenhague, a obtenu de lui plusieurs audiences secrètes, après lesquelles le roi a fait
demander à la chancellerie, où ils sont déposés, les titres de noblesse et de propriété de Schumacker. On
ignore à quoi Schumacker aspire; mais ne désirerait-il que la liberté, pour un prisonnier d'état c'est désirer le
pouvoir. Il faut donc qu'il meure, et qu'il meure judiciairement; c'est à lui forger un crime que nous
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Han d'Islande
travaillons. Ton mari, Elphège, sous prétexte d'inspecter incognito provinces du Nord, va s'assurer par
lui-même du résultat qu'ont eu nos menées parmi les mineurs, dont nous voulons provoquer, au nom de
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